Rendez-vous incontournable de la fin de saison pour les juniors, la JEC se déroulait en France cette année ! L’occasion pour Interpost de revenir sur cette compétition souvent riche en enseignements pour les juniors.
Pour rappel, la JEC - Junior European Cup- est la deuxième plus grosse compétition internationale chez les Juniors. Située à la fin de la saison, elle n’est pas adoubée par l’IOF (fédération internationale), d’où son nom ambigu et son coût bien inférieur pour les équipes. C’est donc un cadre parfait pour s’entraîner à courir contre les meilleurs mondiaux en dehors des courses scandinaves et des championnats. Quatre catégories sont représentées, H/D18 et H/D20 avec un quota de 6 coureurs chacune. Cette compétition est donc souvent un tremplin pour les jeunes espoirs de la CO !
Nous avons pu compter sur une équipe de France solide et plusieurs podiums. Deux mois plus tard et maintenant que toute l’effervescence est retombée, c’est l’heure pour l’analyse d’Interpost de la course reine du week-end, la longue distance.
Le lien vers le site : Jec2019
Vers les cartes : D18, H18, D20, H20
Et vers les résultats.
Le Terrain
La carte se situe entre 1200m et 1500m d’altitude. Le terrain ressemblait donc à un terrain d’altitude typique du massif central : de fortes pentes, un réseau de chemin forestier assez dense et une forêt mixte conifères/feuillus. À noter une importante zone ouverte sur le sommet de la carte, mais qui a peu été exploitée.
Le challenge du terrain se situait donc surtout dans les longs choix d’itinéraires, impliquant beaucoup de dénivelé. Les petits postes ne faisaient pas vraiment de grosses différences : la simplicité du terrain et la propreté de la forêt diminuait le risque d’erreur et d’imprécision, surtout chez les meilleurs de chaque catégorie.
On peut aussi noter que sur ce type de terrain continental, la lecture de carte est beaucoup moins fréquente que sur les terrains scandinaves, avec une carte bien moins chargée en éléments. Cependant, les techniques supports comme la boussole ou bien la** tenue de flanc** (savoir rester sur la même courbe de niveau d’un endroit à l’autre) sont largement mises à l’épreuve. Certaines de ces techniques ne sont pas ou peu maîtrisées par les coureurs scandinaves, d’où leur moins forte domination sur ces compétitions continentales. Les longues portions sur chemin avec peu d’orientation représentent des changements de rythme physique et technique qui ne sont pas toujours facile à gérer pour les athlètes. Il est parfois dur de trouver le bon rythme et de s’adapter aux variations fréquentes pendant la course.
Les coureurs
La particularité de l’analyse de cette course est qu’aucun suivi GPS n’était disponible. Il nous a donc fallu aller chercher directement les traces auprès des athlètes, que nous remercions au passage pour leur aide. Au vu donc du peu de données disponibles, nous avons choisi d’analyser seulement les courses des 3 premiers coureurs des catégories H20 et D18.
Petit rappel sur les podiums de ces catégories :
D18 :
- 1e : Csilla Gàrdony
- 2e : Alva Sonesson
- 3e : Cécile Calandry
H20 :
- 1e : Chamuel Zbinden
- 2e : Guilhem Elias
- 3e : Einar Melsom
Le choix : 3-4
Que ce soit chez les filles ou bien chez les garçons, le choix 3-4 a été LE choix déterminant du circuit. Sur tout le reste de la course, les écarts sont faibles entre les 3 premiers :
Filles : 1. Alva 2. Csilla +8s 3. Cécile +1:07 , sur les 4/5ème restants de la course (sans le choix).
Garçons : 1. Guilhem 2. Chamuel +12s 3. Einar +1:20, sur les 3/4ème restants de la course.
D’où l’importance de ce choix qui allait pouvoir faire des différences non-négligeables. Et il s’articulait aussi avec ce qui le précédait, c’est à dire la première partie de la course.
Pré-choix
Chez les hommes, la course commençait par un petit choix qui permet de bien se figurer le terrain. Sur ce premier poste de la course, et malgré une bonne exécution à flanc pour Chamuel, le choix par le chemin du bas était clairement payant.
Ce n’est pas toujours facile en début de course de se figurer comment le terrain va être, quelle va être la visibilité, la courabilité. D’autant plus sur le premier poste de la première compétition du WE. D’où l’importance de prendre le plus possible des choix sécurisants. Ici, dans tous les cas, le choix de Chamuel de prendre à flanc était risqué et n’était pas la bonne stratégie à adopter. Mais il est aussi très intéressant, car il montre bien la difficulté de progression dans ces forêts de flanc très denses, et l’intérêt de faire les détours par les chemins. Cependant, ce poste à poste a aussi pu pour Chamuel être une source d’information sur le terrain. Il lui a sûrement permis de prendre de bonnes décisions par la suite.
Chez les femmes, la première partie était aussi source d’enseignement. Sans parler du temps gagné ou perdu, les décisions prises lors de ce moment de la course auront un impact sur la perception du terrain et donc sur le choix d’itinéraire d’après.
Sur cette image, on voit que le choix 1-2, qui est plutôt bien fait pour toutes les coureuses, implique déjà des expériences de course différentes. Csilla, qui réussit bien ce poste à poste, est à l’aise en tout-terrain et aura donc une bonne impression de la forêt. Cécile par contre prend déjà les choix par les chemins, ce qui lui réussit bien, et même mieux au vu de son bon temps global (pas d’erreur à la 3).
C’est intéressant de remarquer que des tendances se dessinent déjà dans les premières parties de la course. Au final, il faut être conscient que les choix se jouent aussi avant la prise de décision, lors des premières prises d’information sur le terrain.
Choix
Les choix en question :
L’itinéraire des filles présentait deux claires possibilités :
- Une par la gauche de 1380m/70mD+ avec 81% sur chemin
- L’autre tout droit de 870m/90mD+ avec 58% sur chemin
Et au final voilà les réalisations des 3 premières :
Après l’analyse du début de course et de la difficulté de course en tout-terrain dans ces flancs, on aurait pu penser que le choix tout droit ne serait pas payant. Mais c’est là où la finesse de lecture va jouer. En effet, le chemin par la gauche n’est pas plat du tout, contrairement à ce que l’on pourrait penser. Et en plus de cela, le chemin présent dans le flanc sous le trait fait une grosse différence en terme de vitesse de course par rapport au tout-terrain. Il va faire passer le pourcentage de chemin sur le poste à poste de 58% à 43%, ce qui n’est pas négligeable.
Pour illustrer cela, c’est intéressant de comparer la vitesse de course de Guilhem Elias chez les garçons avec celle de Csilla dans le flanc raide :
Et là, surprise, l’allure de Csilla est similaire à celle de Guilhem ! Sur la même portion de course et avec le même dénivelé, ce n’est pas anodin qu’une D18 arrive à rivaliser avec un H20. Non que Csilla soit aussi rapide que Guilhem, l’explication se situe plutôt sur la réalisation : Csilla fait l’effort d’aller prendre le chemin, ce qui facilite grandement sa progression. Et ce constat se vérifie chez les hommes : L’analyse des choix ne permet pas de déterminer lequel de celui en bleu et celui en rouge était le meilleur (le choix en vert est clairement moins bon) :
Ce qui a au final pesé dans la balance, c’est la mauvaise courabilité et le manque de chemins dans le flanc raide. On peut aussi penser que la réalisation de Guilhem n’était pas optimale : mais même pas sûr qu’avec une bonne réalisation, il aurait pu aller chercher la minute le séparant de Chamuel et Einar sur cette portion.
L’erreur
Chez les trois H20, peu d’erreurs ont été commises. Chez les D18 par contre, une erreur mérite qu’on s’y attarde un peu dessus. C’est celle réalisée par Csilla au poste 3 :
Cette erreur est typique de ce genre de poste : une attaque de biais dans un flanc. Lorsque des postes à poste de ce genre surviennent, l’objectif est de repérer la difficulté, et de mettre en place une stratégie adéquate :
- S’orienter grâce à un point précis le plus proche possible du poste. Le point va permettre de se situer précisément dans le flanc.
- Aller chercher des lignes directrices pour minimiser la distance passée à aller en travers du flanc : par exemple faire une déviation volontaire. Ici, c’est la combinaison de ces deux techniques qui était sûrement la meilleure option pour réussir cette approche de poste sans prendre de risques : Aller jusqu’au rocher sur le bord du chemin, puis attaquer le flanc légèrement en descendant jusqu’à atteindre la ligne de vert plus dense, puis suivre ce vert jusqu’au poste.
La réalité de la réalisation est cependant souvent beaucoup plus complexe : elle va en effet mettre à l’épreuve l’évaluation des distances de l’athlète, son évaluation du dénivelé ainsi que sa capacité à rester flexible au cas - qui se présente souvent - où le terrain ne colle pas avec ce que l’on a lu sur la carte. Et tout cela avec la pression du chrono et l’intensité de l’effort physique.
Autant dire que c’était un des postes les plus “challenging” de la course D18, et que c’est sur ces interpostes que l’expérience du terrain compte le plus !