Le week-end dernier avaient lieu les premières courses nationales de 2020, et c’était l’occasion pour les orienteurs français de se retrouver sur les superbes terrains de Fontainebleau. Pour revivre le week-end et les résultats, n’hésitez pas à aller lire le débrief d’Interpost.

Quelques jours plus tard, il est temps de plancher sur une analyse plus approfondie des tracés. La longue distance, épreuve reine du week-end, s’est imposée comme une évidence dans le choix de la course à analyser. Pour cela, nous avons utilisé les données Loggator, la plateforme GPS utilisée par l’équipe de France de CO. Le lien n’est malheureusement pas accessible au public, mais nous allons essayer d’en faire un compte-rendu pertinent dans cet article.

Le Terrain

Le terrain choisi par l’organisation - les Gorges de Franchard - était inédit : cela faisait plusieurs années (des dizaines peut-être même) qu’une compétition ne s’y était pas tenue.

Et on peut dire qu’il a tenu toutes ses promesses. Les compétiteurs ont été confrontés à un terrain typique de la forêt de Fontainebleau : une belle alternance entre des zones plates avec peu de détails, et des zones de collines rocheuses très techniques.
Une des particularités de ce terrain est aussi la présence en grand nombre de fougères. Le passage de ces zones peut se révéler aléatoire. Pour ceux qui n’étaient pas présents, vous pouvez vous plonger dans l’atmosphère du terrain avec cette publication du NOSE, qui permet de suivre la carte en même temps que la vidéo du coureur.

Le challenge des choix d’itinéraires se situait aussi dans la présence de dénivelé, ainsi que de grands chemins. Combinés à un sous-bois pas toujours très propre, cela a contribué à créer des postes-à-postes intéressants. De plus, les attaques de postes souvent techniques dues à la difficulté du terrain rendaient le changement de niveau de lecture encore plus important.

Les Choix

Choix 1

Sur le circuit des hommes élites, après quelques postes très techniques, le premier choix arrive très vite dans la course, et il est très long - l’option la plus courte faisant 2,3 km. Voici une image de ce choix, accompagnée des routes prises par les hommes élites :

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On voit clairement que deux options se dessinent, une option à droite et une à gauche. On remarque que pour les coureurs qui ont pris l’option à droite (Arnaud Perrin, Benjamin Leduc - en réalité Benjamin Lepoutre - et Raphaël Masliah), les vitesses moyennes sont sensiblement plus élevées que pour les coureurs ayant pris l’option à gauche. Cela s’explique par le fait que les parties en tout-terrain sont moins nombreuses à droite. Ainsi, si on enlève Mathieu Perrin et Loïc Capbern - peut-être les deux plus rapides de la course -, on se rend compte que le choix à droite était bien plus payant :

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On peut ensuite se diriger sur le choix des femmes élites. Elles avaient en effet un choix à peu près similaire, et voici le résultat :

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Isia Basset, qui était clairement la femme forte du week-end, est plus d’une minute plus lente que Florence Hanauer, la plus rapide sur ce choix. Et ceci, sans faire apparemment d’erreurs ! On peut légitimement se demander les raisons.

Elles sont multiples, et on peut notamment citer l’approche de poste très directe du choix de droite. Mais plus intéressant encore, on remarque que la vitesse de progression d’Isia Basset sur la portion sur chemin est plus lente que celle des filles sur l’autre choix.

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Et ceci peut aussi être un facteur qui a joué sur le choix des garçons : même si les chemins paraissent équivalents à première vue, en y regardant de plus près, on peut remarquer que le chemin de gauche est plus dénivelé que celui de droite. Comme quoi, la pertinence d’un choix peut se jouer sur des détails.

Choix 2

Le deuxième choix que nous avons choisi d’analyser se situe, lui, à la fin de la course. C’était l’itinéraire allant de la 12 à la 13 pour les Hommes 20 et de la 13 à la 14 pour les Hommes 21 Élites. Ce choix était placé à un point stratégique dans la course. En effet, il arrive à un moment où tous les coureurs commencent à être fatigués. Et c’est exactement sur cette portion où il faut produire un effort physique important. Cet effort, il faut ensuite en gérer les conséquences sur les postes techniques de la fin de la course.
Voilà un aperçu de l’itinéraire, ainsi que des options que les coureurs ont choisi d’emprunter :

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Les coureurs sont à la fois ceux de la catégorie H20 et H21. On s’aperçoit que les options prises sont très diverses, signe de la qualité du choix. On remarque tout de même une tendance plus rapide sur les options du haut, qui se confirme lorsqu’on enlève la trace de Loïc Capbern, un ton au-dessus physiquement sur ce choix :

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Quels sont les éléments qui ont pu être déterminants sur cet interposte ? Pour analyser cela, on peut utiliser l’outil “Dot Analysis” proposé par 2DRerun. En prenant la trace de Guilhem Elias pour le choix du Nord, et d’Arnaud Perrin pour celui du Sud, on obtient un résultat intéressant :

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On note qu’Arnaud est encore en avance sur Guilhem jusqu’à très tard dans l’itinéraire, la cause étant le début de choix très éloigné du trait rouge pour le choix du Nord. Mais la principale raison pour laquelle le choix pris par Arnaud n’est au final pas payant (plus de 30s de retard sur Guilhem), est le dénivelé. En effet, sur le Dot Analysis, on voit clairement que lors des deux côtes du choix du Sud, Arnaud perd beaucoup de temps par rapport à Guilhem, qui a peu de dénivelé sur son parcours, et surtout qui l’effectue de façon progressive, mis à part la courte côte finale. Encore une fois, la pertinence du choix du Nord repose sur des détails, et notamment la petite côte du milieu d’itinéraire, qui est déterminante pour ce poste-à-poste.

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L’erreur

La longue distance est un format exigeant, peut-être le plus exigeant qui soit en course d’orientation. Elle demande beaucoup d’endurance, que ce soit physiquement, techniquement ou mentalement, afin de tenir sur la durée et peut-être même de faire la différence sur la fin de course.
On se souvient de la fin de course monstrueuse de Thierry Gueorgiou en 2014 sur la longue distance des championnats du monde, où il avait mis un coup de marteau sur la course dans la dernière boucle (vous pouvez retrouver le GPS de la course ici, mais le GPS de Gueorgiou n’avait pas fonctionné sur la fin).

C’est donc une erreur de fin de course que nous avons choisi d’analyser. La traceuse de cette nationale, Camille Gire, a habilement proposé des postes assez techniques sur la fin de la course, après plusieurs postes très physiques demandant peu de lecture de carte. Une façon de tester les coureurs sur leur endurance technique et sur leur capacité à changer de type d’orientation après plus d’1h10 de course. Et c’est exactement ce qu’il s’est passé chez les D21, avec Isia Basset (en bleu) qui a su rester très costaude techniquement alors que trois autres coureuses (dont nous tairons les noms) sont parties à la faute.

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Ce qui est intéressant sur cette erreur de fin de course, c’est que les trois filles en question font exactement la même. Une sortie décalée afin d’éviter la zone interdite, mais surtout un manque de lucidité dans le changement de direction qui aurait dû s’ensuivre. La zone était très diffuse, très plate, ce qui ne facilitait pas la navigation et le repérage dans l’espace. De plus, la difficulté de course dans ces marais remplis de bruyères puis de fougères empêchait une lecture de carte fréquente et efficace. Ce phénomène est en général décuplé avec la fatigue de la fin de course, pas étonnant que les 3 filles aient eu du mal à redresser leur trajectoire et à se repérer dans la zone.

Nous ne sommes pas à leur place, et c’est toujours beaucoup plus facile de faire des commentaires depuis notre canapé que de l’appliquer en réalité sur le terrain. Cependant, on peut penser que la cause de l’erreur se situe dès la sortie de poste. Une lecture de carte attentive à ce moment crucial permet de se repérer sur le chemin, notamment grâce à la petite colline juste après. Dès lors, il est facile de rectifier la direction grâce à une visée de boussole ou bien à une lecture précise du relief, et en général à partir de là tout s’enchaîne.

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C’est la là grande difficulté de la longue distance : savoir adapter la qualité de la lecture de carte à adopter en fonction des moments de la course. Avoir la lucidité de différencier un poste-à-poste où une lecture sommaire (ici par exemple en sortie immédiate de poste) suffit, et d’autres où davantage de précision est absolument nécessaire.

Conclusion

C’est donc une superbe longue distance qu’a pu nous proposer l’organisation de la Nationale NO. Des choix intéressants, et un tracé qui demandait une vraie gestion technique, mentale et physique de la course. Merci à eux !

À bientôt pour de nouvelles analyses !

Bonus - Choix 5-6

A la demande de certains internautes, voici un petit rajout dans notre analyse !